Naïade

Naïade

Chapitre 4

Chapitre 4

 

Léna

Accepter... Ma... Condition ? De Naïade ?
"Bien sûr, idiote !"
Aargh, cette voix m'énerve ! Mais qui est-elle ? J'ai du mal à réfléchir, tellement je suis embrouillée.
"J'imagine que tu ne voudras rien faire si je ne te le dis pas. Je suis dans toi. Enfin... À l'intérieur de toi."
Je ne comprends rien, encore une fois.
"Pour que tu comprennes, je dois t'expliquer l'histoire et le fonctionnement des Nymphe et de toutes les espèces des créatures surnaturelles. Il existes plusieurs espèces. Les nymphes, dont les Naïade, les nymphes de l'eau, comme toi, les Oréades, les nymphes des montagnes et les Hyades, aussi appelée les Hamadryades, nymphes des forêts. Ensuite il y a les loup-garous, et... Ton frère et ta meilleure amie en font partie."
Liam et Liz ?! Impossible !
"Pas Liz ! Haylee. Liz est à peine une amie peu fiable, et tu le sais. Laisse-moi finir. Ensuite, viennent les vampires."
Les... Les vampires. Super. Je ne rêvais pas mieux...
"Ensuite, il y a les Aërico, des petits lutins, armés d'un humour... Douteux. Puis il y a les fées. Et c'est tout. Nous vivons parmi les humains, mais nous avons notre propre Gouvernement. Le plus puissant est le Gouvernant, actuellement Léandre, un loup-garou. Pour le renverser, il faut le battre. Ensuite, il y a le Premier Cercle, composé des chefs de chaque espèce. Ensuite, dans le Deuxième Cercle, il y a les... Hommes ou femmes de confiance. On a pas besoin de passer par ce cercle pour accéder au Premier cercle. Puis, le Troisième Cercle, composé des personnes les plus puissantes. Enfin, le Quatrième Cercle, où il y a les plus riches. Pareil que pour le Deuxième Cercle, nous ne sommes pas obligés de passer par ce cercle. Après, il y a toujours les grandes familles, bien sûr. Et puis ensuite, les autres."
Je suis encore sous le choc de cet amas de révélations.
— Mais toi, je m'adresse à la voix, qui es-tu ?
"Je suis une fée, dans le Troisième Cercle. J'ai le pouvoir de... M'incruster dans les pensées des autres. Et je t'aime bien, tu as de l'avenir. Comme toutes les autres fées, je lis l'avenir. Les fées ne disent rien aux autres espèces, mais... Tu as de l'avenir, Lény."
— Lény ?
"Petit surnom. Tu me crois maintenant ?"
— Ou... Oui. Tu n'aurais pas pu inventer tout ça...
"Alors... Bon retour parmi les vivants, Lény."
Je n'ai pas le temps de réagir que je suis secouée de tremblements. Je vais me réveiller...

***

Liam

Mon téléphone sonne.
— Eden ?
— Bonjour Liam. Léna est réveillée.
— Vraiment ? J'arrive tout de suite !
Je me précipite dans ma voiture. J'allai démarrer quand la portière passager s'ouvre. Haylee entre et s'installe.
— Tu n'étais pas avec elle ?
— Liam, j'ai une vie aussi, je suis les cours je te signale.
Je soupire et nous conduis à l'hôpital. Le Dr Blake nous attend dans le hall. 
— Depuis quand est-elle réveillée ?
— Ce matin.
— Pourquoi ne pas nous avoir contactés plus tôt ?
— À sa demande.
Je m'arrête tout à coup. Nous avions comme de l'espoir, pour qu'elle aie changé. Mais si ce n'est pas le cas ? Je suis certain qu'elle est comme avant... Un bref coup d'œil à Haylee me prouve que nous sommes arrivé à la même conclusion.
Nous entrons dans la chambre de Léna. En un mois et demi, tous ses plâtres ont été retirés et ses côtes sont consolidés. Elle est presque guérie... Elle est assise en tailleur dans le lit, elle nous tourne le dos. C'est presque étrange de la voir comme ça. Vivante. Éveillée.
Elle tourne la tête vers nous, et son regard est tout sauf conciliant. 


06/08/2014
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Chapitre 3

Chapitre 3

 

Liam

 

Une fois, quand nous étions petits, j'ai dis à Maman:

- Maman, est-ce que toi aussi tu vas mourir ?

Elle était restée un long moment sans rien dire, puis elle s'était acroupie devant moi et elle avait dit:

- Mon chéri, tu as onze ans, tu es déjà grand. Un jour, je ne serai plus là. C'est dans l'ordre des choses, Dieu nous a créés, il est dans son droit de nous reprendre à lui.

J'avais alors dû la regarder d'un air étrange, parce qu'elle avait ri et m'avait ébouriffé les cheveux.

- Plus tard tu sauras interpréter les choses, mon grand. Allez, retourne avec sa sœur.

J'avais obéi, rejoignant une Léna joyeuse et pleine de vie.

Quand je repense à ce moment, la nostalgie m'envahit. Plus rien n'est pareil : Maman est décédée et Léna... Léna a changé.

Enfin, le Dr Eden Blake revient vers nous, le visage fermé. Intérieurement, je prie pour qu'il ne soit rien arrivé à Léna. Ma petite Léna, ma petite sœur...

- A-alors ? lance Haylee d'une voix lourde d'inquiétude.

- Je suis désolé. Nous n'avons pas pu la sauver.

Tandis qu'Haylee éclate en sanglots, je reste immobile, incapable de réagir. Léna... Morte ? Non, c'est impossible. Impossible. Petit à petit, un vide se crée en moi, rongeant mon cœur, miette par miette. Léna. Léna. Pourquoi elle ? Pourquoi ma mère, puis ma sœur jumelle ? J'entends vaguement ma meilleure amie, à côté de moi, demander, la voix pleine de sanglots :

- On... on peut... la voir ?

Le Dr Blake acquièce, et nous fait signe de le suivre. Haylee me traine presque jusqu'à la table d'opérations, où Léna demeure encore. Comme il n'y a aucune trace d'opération, j'imagine qu'ils ont simplement tenté de la ranimer, en vain.

Sous un drap blanc, je devine la silhouette mince de Léna, sa jambe, entourée de plâtre, se distinguant parfaitement. Mes larmes commencent à rouler sur mes joues quand Eden soulève le drap blanc et que nous apercevons le visage blafard de Léna.

Les pleurs d'Haylee, à côté de moi, redoublent. J'approche une main hésitante et j'effleure sa joue. Soudain, je sens comme un choc électrique au bout de mon doigt, et l'appareil mesurant la tension de ma sœur crachote, il émet un discret "bip, bip, bip" régulier.

- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? s'exclame le Dr Blake.

Il vérifie son pouls sans comprendre, tandis que nous le regardons, hébétés.

- Elle est vivante, il murmure.

Dans mon cœur, c'est comme une explosion de joie. Léna est vivante. Léna est vivante... Un autre médecin entre dans la pièce.

- Mais, c'est impossible, son cœur ne battait plus. Elle ne respirait plus...

Je me fiche du pourquoi et du comment. Ma sœur est vivante. Haylee prend ma main et la serre fort. On nous demande de sortir, et je m'écroule sur une chaise.

- Comment c'est possible ? demande Haylee.

Je hausse les épaules. Léna est vivante.

 

***

 

Léna

 

Je suis allongée dans l'herbe fraîche, la brise caresse doucement mes cheveux. Mais soudainement, je sens mon cœur se serrer, je suffoque. Suis-je entrain de mourir ? Non ! Je dois revoir Liam. Je me recroqueville dans l'herbe qu'une minute plus tôt j'appréciais.
Soudain je m'écroule et je ferme les yeux. Je… m'endors dans mon rêve. Comme si ce n'était pas assez bizarre comme ça.

Je revoie ma mère.

Je dois faire vite, je n'ai pas assez de temps, mais tu es une Naïade, une nymphe des eaux.

D'abord, qu'est-ce qu'une nymphe ? Une divinité de la nature, une Naïade contrôle l'eau.

J'ai envie d'essayer dans le petit étang. Mais une « voix » me parle, dans ma tête. C'est étrange, mais je n'y prête pas attention. C'est la Voix de la Raison, celle qui me parle depuis des mois. Celle que je n'écoute pas.

Tu es entrain de mourir, Léna. C'est trop tard…

Quoi ? Mais non ! Et pourtant, j'ai souhaité mourir tant de fois… Est-ce l'occasion que j'attendais ? J'en ai tellement envie… Mais je ne peux pas laisser Liam comme ça. Pourtant, c'est trop tard, comme l'a dit la « voix de la Raison ».

Soudain je sens un… courant électrique m'envahir, et je me relève en sursauts. Je n'ai plus mal. Je me trouve toujours près de l'étang… Alors je suis vivante ?

Bien sûr.

Qu'elle se taise, cette maudite voix !

Mais bien sûr, et te laisser faire mille et une conneries ? Je sasi que tu ne m'écoutes pas, mais peut-être qu'un jour tu le feras.

- Tu n'es pas moi ? Tu n'es pas une partie de moi-même ?

Moi, être toi et te ressembler ? Tu rêves.

- Alors qui es-tu?

Pas de réponse. Et je n'en aurait certainement pas : elle me parlera quand je me mettrai de nouveau dans le pétrin.

Je reste une bonne minute recroquevillée dans l'herbe, reprenant mon souffle. Une image danse devant mes yeux – qui, pourtant, ne sont pas fermés.

Ce sont Liam et Haylee, ils sourient tous les deux, malgré des larmes qui sont restées sur leurs joues. Avec eux, il y a un médecin que je ne connais pas.

- Elle est vivante, murmure le médecin.

Un autre médecin entre dans la pièce.

- Mais, c'est impossible, son cœur ne battait plus. Elle ne respirait plus...

Haylee prend la main de Liam et la serre fort. On leur demande de sortir, et il m'écroule sur une chaise.

- Comment c'est possible ? demande Haylee.

Liam hausse les épaules.

Alors ils sont dans cet état, au-dehors ? Je dois sortir.

Il fallait écouter ta mère.

Encore elle. Écouter ma mère ? Comment ça ?

Elle t'a dit que pour sortir d'ici tu dois accepter ta condition de Naïade.


25/07/2014
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Chapitre 2

Chapitre 2

Liam

Je passe la porte de la réserve pour récupérer mes affaires quand mon téléphone sonne. C'est Haylee, certainement pour me dire comment s'est passé sa "discussion" avec Léna.
- Allô ?

- L... Liam, c'est... C'est Léna...
- Tu pleures ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- E-elle s'est faite renverser par une voiture.
- Merde, j'arrive tout de suite.
Je raccroche immédiatement et je me précipite dans ma voiture. Dix longues minutes après, je suis à l'hôpital. Haylee, qui faisait les cent pas, se jette dans mes bras.
- Où est-elle ?
- Au bloc.
J'ai la gorge nouée. Non, pas elle, pas ma Léna. Il ne faut pas qu'elle parte.
- Ils ne savent pas si elle va s'en sortir, Liam.
Nous attendons un long moment - deux heures je crois -, je fais les cent pas pendant qu'Haylee tape du pied, assise sur une des nombreuse chaises de la salle d'attente. Je suis si inquiet que je compte le nombre de carreaux au sol, le nombre de fissures sur la table basse.
Enfin, un médecin entre dans la pièce.
- Vous êtes des amis de mademoiselle Taylor ? Je suis le docteur Blake.
Il est très jeune, environ vingt-deux ans. Il devait être excellent pour finir ses études aussi vite - au moins Léna est entre de bonnes mains.
- Je suis son frère jumeau, Liam, et voici son amie, Haylee.
- Léna va s'en sortir, nous sommes parvenus à stopper l'hémorragie interne, et comme plusieurs côtes sont fracturées, elle avait une perforation au poumon. Elle a également une fracture au tibia.
- Elle est réveillée ? On peut la voir ?
Le médecin baisse la tête.
- Léna Taylor est dans le coma.
J'ouvre la bouche et je la referme tel un poisson hors de l'eau. Je devine qu'Haylee n'est pas mieux.
- J'ai autre chose à vous dire, quelque chose de grave.
Je relève la tête. Qu'est-ce qui pourrait être plus grave, franchement ?
- Léna se drogue, n'est-ce pas ?
Je hoche lentement la tête, honteux.
- Si vous voulez, je peux faire en sorte qu'elle ne se drogue pas.
- Dans ce cas il faudrait empêcher Liz Harris de venir, murmure Haylee.
- Ce sera fait.
Elle fait un sourire de gratitude au Dr Blake. Il nous conduit jusqu'à une chambre d'hôpital, où Léna est allongée sur un lit. Elle n'est pas maquillée, ni bien coiffée. Mais son teint est pâle comme la mort. J'entends le docteur s'éclipser discrètement tandis que je m'assois près de ma sœur jumelle. 
Haylee s'assoit de l'autre côté du lit, et j'entends des pas précipités dans le couloir. Kale entre, le souffle court. Alors ils tiennent à elle, finalement. Après qu'ils se soient rejetés mutuellement...
- Comment elle va ? Elle dort ?
Après un long silence, Haylee répond:
- Léna est dans me coma, Kale. Ils ne savent pas quand elle se réveillera... Si elle se réveillera.
Kale est d'abord trop choqué pour réagir, puis il s'assoit dans le fauteuil à côté du mien. Une larme roule lentement sur ma joue.
 Reviens, Léna...

***

Léna

 

Je suis devant un lac. Autour de moi, tout est lumineux. Je m'aperçois que je ne suis pas seule.
- M-maman ?
Madelia se tourne vers moi, dans sa robe verte que j'ai toujours aimée. Je l'avais dans ma chambre, avant, mais c'était trop douloureux.
- Bonjour ma chérie.
Elle fait un pas et me serre contre elle.
- Maman, mais tu... Tu es morte ! 
Elle hoche la tête.
- Et toi Léna, tu es dans le coma.
- Quoi, mais, mais non !
Puis tout me revient. Je me suis faite renverser par une voiture... Et Haylee était là...
- Je vais me réveiller ?
- Bien sûr. Mais je dois te parler de certaines choses avant.
- Je t'écoute.
- Tu es spéciale, Léna. Je n'ai pas beaucoup de temps, je dois faire vite. Tu es une Naïade, une nymphe des eaux.
- Pardon ?
- Tu...
- Maman, c'est un rêve, c'est n'importe quoi. Je suis normale, une fille dont personne ne se soucie et qui fait n'importe quoi.
- Écoute-moi, Léna. Je suis réellement là, et toi aussi. Dans le monde humain se cache des choses que tu ne peux même pas imaginer. Je te donne ma bague, quand tu te réveilleras, elle sera encore avec toi, comme une preuve que tout ceci est réel.
Elle me tend un bague surmontée d'une pierre de feu bleue.
- Je ne peux rien dire d'autre, à part peut-être une chose. Je t'aime, ma chérie, je sais que tu t'en sortiras. Et chaque minute qui s'écoule ici équivaut à deux heures en réalité.
Et elle... disparaît.
- Maman ! MAMAN !
Je cours à l'opposé du lac pour essayer de la retrouver, mais elle n'est plus là. Je me rends compte que je me suis retrouvée de l'autre côté du lac. Je ne peux pas sortir d'ici.
Je m'écroule sur l'herbe légèrement mouillée. Je fixe la bague. Ça fait peut-être une demi-heure que je suis ici, soit soixante heures dans la réalité.
- Je veux y retourner. Je ne suis pas une nymphe...

***

Liam

Je vais chercher un café, laissant Léna seule quelques minutes. Je vois Eden - ou plutôt le docteur Blake - m'emboiter le pas. En une semaine passée à l'hôpital, nous sommes devenus amis. J'ai l'impression qu'il se soucie vraiment de Léna, étonnamment.
- Tu as l'air attaché à Léna, je lance.
Eden parait gêné.
- C'est sûrement le cas. À force de l'observer, tous les jours. Elle est... Attachante.
- Pourtant vous ne vous êtes jamais parlé, tu n'as jamais vu ses yeux.
- Comment ils sont ?
- Ses yeux ?
- Mmmh.
- Gris foncé. Presque noirs, même. Avant, quand nous jouions, ils pétillaient de malice. Mais depuis que notre mère est morte... Ils sont éteints.
Je le vois serrer les dents.
- Je sais que c'est horrible, mais parfois je ne voudrais pas qu'elle parte. J'ai envie qu'elle se réveille, envie de la connaitre. 
Soudain son bipeur... Bipa. Il palit.
- Ça vient de la chambre de Léna.
Il s'y précipita et je le suivis. Les machines reliées à son cœur bipaient comme des folles, annonçant une forte activité cardiaque.
- On est en train de la perdre, annonça Eden les dents serrées.
D'autres médecins arrivèrent et l'emmenèrent au bloc. Je fus forcé de sortir, et j'appelai Haylee. Quand elle arriva, je la serrai dans mes bras, mes larmes coulant à flots.
Parfois, je n'ai pas envie de continuer. Je me dis que j'aimerai mourir, pour en finir avec la souffrance, avec tout ça. Mais sinon, que ferai Léna ? Mike la battrait encore plus, elle quitterai sûrement la maison avec Liz et Ian, prenant de la drogue à longueur de journée, devenant une ratée. Non, je ne pourrai pas faire ça.


25/07/2014
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Chapitre 1

Chapitre 1

Léna

 

Je marche dans la ruelle sombre. Je sais que personne ne viendra m'embêter. C'est dommage pour eux, pas pour moi. Par eux, j'entends bien sûr ceux qui pourraient vouloir m'agresser. Ils n'oseraient pas. Je ne vois même pas pourquoi je commence par "je marche dans la ruelle sombre". Je pourrai tout simplement dire: je suis Léna. J'imagine qu'il n'y a rien d'autre à dire sur moi.
Je rentre dans notre maison soi-disant familiale. Je ne cherche pas à ne pas faire de bruit, mon père et Liam ont le sommeil lourd, et il est deux heures du matin. J'ai encore un peu de mal à tenir debout, mais ça va passer.
Un toussotement retentit derrière moi. Liam. Il n'a peut-être pas le sommeil si lourd que ça.
- Tu comptes rentrer tard tous les jours ?
- Ce ne sont pas tes affaires, Liam.
- Arrête, Léna, si tu crois que je n'ai rien remarqué, tu te fourres le doigt dans l'œil.
- Et qu'est-ce que tu as remarqué ? je soupire, soudain lasse.
- Tu te drogues.
Je ricane. En mon fort intérieur, je me dis: Si ce n'était que ça.
- N'importe quoi.
- Tu crois peut-être que je suis aveugle, mais je sais reconnaitre les signes, surtout que maintenant tu traînes avec Liz Harris, qui, elle, clame haut et fort qu'elle se drogue.
Je n'ai même plus la force de mentir.
- C'est bon, lâche-moi, Liam ! Il fallait y réfléchir à deux fois avant de me laisser tous les jours avec Mike, pour que je fasse le sale boulot, pour que je m'occupe de la maison et de lui ! Alors ne viens pas m'engueuler, parce que tu n'es pas mieux.
Je suis consciente que je l'ai blessé, mais je m'en fiche. Je monte dans ma chambre, profitant du fait qu'il soit trop choqué pour réagir. Parfois, je me demande si maman nous voit, de là-haut. Si elle a honte de moi et de Mike - parce que seul Liam pourrait recevoir des éloges.
Je m'effondre sur mon lit et mes larmes coulent. Je déteste pleurer ; mais je ne peux même pas l'arrêter. Notre vie était tellement différente avant. D'un certain sens, je ne veux pas aller en cure, je ne veux pas abandonner la drogue même si je déteste ça. Elle me permet de m'évader. Je rejoins mon monde à moi, mon monde intérieur où maman est vivante, où Mike est redevenu comme avant et où nous sommes heureux ensemble.
Mon téléphone sonne; un message de Liz.
Demain 22h en haut de la falaise, soirée avec Ian. Alors ?
Je mets un certain temps à me décider, puis je réponds juste:
Ok.
Juste ce petit mot suffit pour signifier: "Ok, c'est reparti pour un tour. Tu ne t'en tireras pas tout de suite, Léna."
Peut-être que l'année prochaine, pour nos dix-huit ans, je quitterais la maison. Si j'ai assez d'argent. Je n'ai pas le courage de dénoncer Mike, au fond de moi, j'ai l'espoir que tout redevienne comme avant.
C'est impossible et tu le sais.
Encore cette voix. La voix de la raison, celle qui me supplie d'envoyer bouler Liz et de tout arrêter, celle qui me pousse à m'excuser auprès de Liam. Je me force à ne pas écouter cette petite voix, je préfère écouter Liz parler encore et encore, entendre le son de la voix de mon amie tandis que je suis dans mon petit monde.
Trois coups retentissent à la porte - je sais d'avance que c'est Liam. Je sèche mes larmes - heureusement que mes yeux ne rougissent pas quand je pleure. 
- Qu'est-ce que tu veux ?
Sa voix me parait étouffée derrière la porte.
- M'excuser.
- T'as pas à le faire.
- Pour ce que je vais faire, si.
Je ricane. Encore une de ses devinettes.
- Et qu'est-ce que tu vas faire ?
Il soupire et je sens qu'il hésite.
- T'envoyer en cure de désintox.
Telle une furie, je sors de ma chambre, les yeux pleins de colère.
Tu ne peux pas faire ça.
J'aperçois alors ses yeux rieurs et il explose de rire. Je lui mets un coup de poing dans le ventre.
- Idiot.
- Excuse-moi sœurette. Tu sais bien que je ne ferai jamais ça.
Sœurette. Il ne m'avait pas appelée comme ça depuis longtemps - depuis la mort de maman. Brusquement, je fais un pas en avant et je le serre contre moi. Je sens qu'il est vraiment surpris - la dernière fois que je l'ai serré dans mes bras date du temps où il m'appelait sœurette.
Après une petite seconde, il referme ses bras autour de moi. Alors je laisse mes larmes couler, pour une fois je ne tente pas de les retenir. Je l'entends murmurer:
- Chhht, Léna... C'est rien.
Non, c'est pas rien. Je veux m'en sortir, je veux que tu m'aides. Envoies-moi en cure de désintox, je te jure que je ferais des efforts. Aide-moi. J'aurais aimé lui dire ces mots, mais à la place, je me contente de hocher la tête. De capituler, et d'ignorer encore une fois la voix de la raison. Je m'écarte d'un pas et je murmure un "bonne nuit" à peine audible - je me demande même s'il l'a entendu. Je rentre dans ma chambre et j'enfile une chemise de nuit blanche. Je me démaquille et je me regarde dans le miroir, j'observe mes cheveux blonds ondulés, mes yeux gris foncé. Je suis tellemen insignifiante, la seule personne pour laquelle je compte est Liam.
Tu te trompes. Pense à Haylee et Kale, même à Liz et Ian. Ne fais pas quelque chose de stupide.
Encore cette voix... J'ai parfois l'impression qu'elle ne fait pas partie de moi. Que quelqu'un d'autre parle. Mais c'est impossible. Personne ne peut communiquer par la pensée, ça n'existe que dans les films. Je ne veux pas penser à Haylee et Kale, c'est faux. Ils ne tiennent pas à moi.
Je m'endors difficilement malgré l'heure tardive. Mes pensées dérivent sur ce moment de complicité avec Liam, sur Liz. Sur les problèmes qui remplissent ma vie encore trop petite.

***

Liam

Je ne sais plus comment me comporter avec Léna. Tout s'est tellement dégradé... Hier soir, elle a fait un effort. J'aurai aimé qu'elle me dise: je veux m'en sortir. Mais apparemment, ce n'est pas ce qu'elle souhaite. Elle ne veut peut-être pas s'en sortir. Rien que penser ces mots me fait mal. Elle a peut-être raison : c'est de ma faute. Si seulement je n'avais pas fui, si je n'avais pas été lâche, on se serait entraidés, elle serait toujours la Léna que je connais - ou presque. Presque,'parce que jamais rien ne sera comme avant, m... Elle est morte et je n'y peux rien. 
J'aurais aimé qu'elle fréquente encore Haylee et Kale avec moi. Tous les quatre, nous formions une sacrée équipe, toujours prêts à tendre des pièges, et Léna était la première à le faire. Nous connaissons Kale et Haylee depuis la maternelle - quoique je ne suis pas sûr que Léna les connaisse encore. Je reçois justement un message de Kale me demandant de l'appeler, ce que je fais.
- Kale, comment tu vas vieux ?
- Ça va ça va, et toi ? Léna a encore fait des siennes ?
Je soupire.
- Elle se drogue, Kale. Voilà pourquoi elle n'était dans son état normal.
- Merde.
Un silence se fait entendre, et Kale reprend:
- Putain, si seulement on l'avait su avant... Tu crois qu'on a mal réagi ?
- Franchement j'en sais rien. Je n'arrive pas à voir si elle veut s'en sortir ou pas. J'ai l'impression qu'elle est... Mitigée.
- Pendant tout ce temps on pensait qu'elle en avait marre de nous...
- Et c'est le cas. Elle a choisi de rejoindre Liz et Ian...
- Et on voit ce que ça a donné. Je pourrais essayer de lui parler, propose Kale.
- Ouh, laisse-lui un peu de temps. À mon avis elle n'a pas très envie de te voir.
- Ouais, autant attend
re un peu.
Je raccroche peu après. Finalement, peut-être que Kale aurait plus de chance que moi. Ils ont été amis très longtemps - meilleurs amis même. Je devrais le laisser essayer...
J'attrappe mon téléphone et je rappelle Kale.


***

Léna

 

J'enfile un jogging et des baskets noirs, et, pour une fois, je ne prends pas la peine de me maquiller. Je sors dans le froid de Décembre et je commence à courir le long des routes de Tolon. Au bout de dix minutes, je sens une présence à côté de moi, et quelqu'un enlève un de mes écouteurs.
- Léna, dit Haylee.
J'accélère l'allure pour tenter de la semer, mais elle me rattrape rapidement.
- Toi alors... On sait comment... Te faire faire du sport...
Elle me force à m'arrêter. Je contemple ses cheveux noirs, pour une fois attachés en queue-de-cheval. Ça fait combien de temps que je n'ai pas vu ses yeux plein de reproche ? Sûrement un an et demi. Elle n'a pas changé...
- On peut parler ? elle demande.
- Je n'étais pas au courant que tu voulais me parler, maintenant.
- Léna, on est désolé d'avoir réagi aussi excessivement au fait que tu souhaites aller avec... Quelqu'un d'autre.
- Ça va, tu peux très bien dire Liz et Ian. Leurs noms ne t'arrachent pas la bouche à ce que je sache.
Elle soupire, et je regrette un tout petit peu mes paroles. Vraiment un tout petit peu.
- Tu n'es vraiment plus la même, Léna. Tu...
- Arrête ton baratin, Haylee. Je sais très bien ce que Liam a dit.
- Et qu'est-ce qu'il aurait ?
Ma gorge se serre. Elle m'a eue. Je commence à traverser la grande route qui se dresse près de moi en courant, quand ne vois une voiture arriver sur moi à toute vitesse, ne cherchant même pas à s'arrêter.
La voiture aux vitres teintées me percute plein fouet, et je ne ressens la douleur qu'après avoir entendu Haylee hurler mon nom, c'est à ce moment que je réalise ce qui s'est passé. Je vole sur plusieurs mètres, roulant sur le bitume tandis que mon ancienne amie accoure vers moi. Je ne pourrais même pas dire si elle a appelé les secours ou pas, tout est tellement flou. Chaque particule de mon corps me fait mal, ma tête roule sur le côté.
- Léna ? Reste avec moi Léna, les secours arrivent. Chhht, ça va aller Léna.
Je vois une silhouette, puis deux, accourir vers nous, des personnes que je ne connais pas.
- Haylee...
Ma voix est rauque et je ne la reconnais même pas.
J'entends les secours arriver et je me laisse enfin aller. Je suis en sécurité.


25/07/2014
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Prologue

Prologue

 

Elle s'appelle Léna Taylor. Au moment où j'écris ce prologue, elle est morte. Ça peut paraitre étrange, mais c'est vrai. Avant de mourir, elle a écrit tout ce qui s'est passé. Mais pas comme un journal intime, non. Comme un récit. Elle a posé par écrit les petits détails de son existence, de même que les grands pans de sa vie. J'ai pu retrouver ces documents si précieux, que personne n'a vus auparavant.
Elle est morte à vingt ans, théoriquement. C'est triste, n'est-ce pas ? Elle était jeune, elle était belle, elle était en bonne santé. Il s'est passé des choses dans sa vie, des choses qui dépassent notre entendement. Des choses surnaturelles. Surhumaines.
Elle a écrit sa "vie" à dix-neuf ans. Comme si elle savait ce qui allait se passer. Et c'était certainement le cas, d'ailleurs. Elle était une femme très intelligente.
Le début de sa vie était normal, vous savez ? Jusqu'à ses quatorze ans - et encore ! - l'anormalité ne vient qu'à ses seize ans. Disons qu'entre ces deux âges complètement différents, ce n'était qu'une période dans sa petite vie. Une période certes douloureuse, mais une période quand même.
Si j'ai dit qu'elle avait "théoriquement" vingt ans, c'est qu'elle avait l'air d'en avoir dix-huit. Pas parce qu'elle "faisait jeune", mais parce qu'elle était immortelle. Quand je vous disais que ces choses dépassent l'entendement. Elle n'est pas humaine. Quand je vous dis ça, je suis certaine que vous sentez du dégoût. Alors ? Monstre ? Sorcière ? Vampire ? Nymphe. Oui, une nymphe, pure. Une simple nymphe des eaux, une Naïade.
Oui, ça existe. Elle existe, et je pense que personne ne peut dire avoir vécu plus de choses qu'elle. Si vous pouviez seulement comprendre ce qu'elle a ressenti... Et oui, vous le pourrez. Rappelez-vous qu'elle a tout, absolument tout marqué, et qu'il n'y a rien de faux dans ceci. Certaines personnes, des personnes qui ont partagé sa vie, ont écrit certains passages, aussi. Son frère jumeau, sa meilleure amie, son petit-ami.
Quand elle n'était encore qu'une enfant, elle était heureuse. Elle partageait tout avec son jumeau, Liam, et ses parents, Mike et Madelia, l'aimaient beaucoup. Ils vivaient tous les quatre dans une maison spacieuse, dans la petite ville de Tolon, en France. Mais dans l'année de ses treize ans, Madelia a eut un cancer. Elle est morte à ses quatorze ans, laissant son mari et ses enfants derrière elle. C'est triste à dire, mais c'est comme ça.
Son père, Mike, qui était un journaliste renommé, a quitté son travail. Il est devenu dépressif, il a commencé à boire, à avoir des amis non fréquentables. Ça lui arrivait de frapper Léna. Pas Liam, seulement Léna, parce qu'elle avait le malheur de trop ressembler à sa défunte mère.
Jusqu'à ses seize ans, Léna s'est battue. Elle s'occupait de la maison et de son père violent alors que Liam n'était jamais là. Il avait arrêté les études à seize ans, et avait commencé à travailler comme barman. Il y a pire comme métier, me diriez-vous. Mais ça dépend du point de vue. Imaginez que, chaque soir, il voyait son père se saoûler, faire des parties de poker avec le peu d'argent qu'il gagnait.
Léna, à seize ans donc, ne l'a plus supporté, elle n'a plus supporté son père, ni son frère. Mais elle n'est pas partie - elle a fait la connaissance de Liz. Liz, celle qui se droguait. Elle a commencé par la nicotine, puis par les drogues, et les fêtes. En vendant de la drogue parfois, elle faisait pas mal d'argent. Liam n'avait pas intérêt à se mêler de ça ni à demander comment elle l'avait eu, ou elle piquait une crise. Comme tous les drogués, elle est devenue renfermée sur elle-même, et ne s'occupait plus de son père.
Au moment où elle commence son histoire, elle a dix-sept ans, et elle se moque maintenant de tout. Elle ne sait pas encore qu'elle est une Naïade. Il ne s'est encore presque rien passé dans sa pauvre vie qui, il faut l'avouer, a vraiment mal tourné.
Alors je vous laisse découvrir son histoire, aussi surnaturelle soit-elle.


25/07/2014
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